La Compagnie Ce Que Jeu Veut
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Site officiel de la compagnie théâtrale Ce Que Jeu Veut, basée en Guadeloupe.

La Presse

  • "STÉPHANIE SAINT-CLAIR, REINE DE HARLEM" , UNE INTERROGATION SUR L'EXIL ET L'IDENTITÉ.

Stécy Lancastre (in "France-Antilles" Guadeloupe


Dimanche, 8 Avril, 2018 - 21:47

"Résolument moderne, le texte délivre un message fort sur la quête d'émancipation et de reconnaissance.

Le samedi 17 mars, Isabelle Kancel a ébloui les spectateurs de l'Artchipel scène nationale dans une remarquable interprétation de Stéphanie Saint-Clair, Reine de Harlem. Un one- woman show extraordinaire qui a impressionné le public.

Avec un décor minimaliste mais très parlant, Isabelle Kancel fait évoluer son personnage dans son appartement luxueux new-yorkais. Une robe rose fleurie, un manteau de fourrure, elle s'assoit et raconte sans filtre à Fréderic, son neveu, comment elle est devenue la reine de la loterie clandestine de Harlem.

Dans un rythme effréné, le récit est adapté à une voix. Isabelle Kancel joue tous les rôles. Les policiers New-Yorkais, les banquiers ou bien encore les hommes qui lui font la cour.

Partie de rien, le public écoute religieusement l'ascension et le combat qu'elle mène pour échapper à sa condition de femme noire, étrangère et pauvre. Des handicaps, qu'elle va transformer en force."


  • FANM DOUBOUT

Stéphanie Saint-Clair était sans conteste une femme et un homme à la fois qui ne reculait devant rien pour arriver à ses fins. Lorsque la police new-yorkaise débarque chez elle pour la énième fois elle dessine en quelques minutes un scénario des plus machiavéliques avec ses banquiers. « Mettez-vous tous à genoux, priez, priez, louez le Seigneur ». En ouvrant la porte elle dit : « Comment osez vous déranger un moment aussi intime ? ». Dans le fond, les banquiers de mèche sont agenouillés.

Durant deux heures sans véritable arrêt, elle court, elle marche, s'arrête brutalement. Autant de scènes rocambolesques qui démontrent son incroyable capacité à survivre dans ce milieu impitoyable. Stéphanie Saint-Clair est ce qu'on appelle une fanm doubout.

Résolument moderne, le texte délivre un message fort sur la quête d'émancipation et de reconnaissance.

Adapté pour la première fois au théâtre, Raphaël Confiant auteur de cette histoire vraie, devient ce fameux Frédéric qui écoute Stéphanie Saint-Clair dans la pièce. « Tu vois donc Frédéric, je ne t'ai rien caché », conclut-elle."


  • Dans la peau de Stéphanie Saint-Clair

Le bloc-notes d’Hector Poulet sur www.montraykreyol.org : Dimanche, 8 Juillet 2018

"Vendredi 6 juillet au Mémorial Act, Isabelle Kancel a été sublime ! Des amis proches qui l’avaient déjà vue et écoutée dans le rôle de la Reine de Harlem, il y a deux mois au Moule, puis à Pointe à Pitre, enfin à l’Artchipel, Scène Nationale de Basse-Terre, m’avaient pourtant dit qu’elle incarnait Stéphanie Saint-Clair plus vraie que  vraie. Moi, j’en doutais. Comment une femme, seule en scène, pouvait-elle interpréter tous les rôles, et tenir une heure et demie sans que le public jamais ne se lasse ? Il faut dire que j’avais lu le roman de Raphaël Confiant et je ne voyais pas comment une comédienne pouvait, à elle seule, faire aussi bien que l’héroïne du livre ! Comment une mise en scène, aussi géniale qu’elle puisse être, pouvait découper l’histoire d’une vie pour la résumer en moins de deux heures sur scène ? Bref, je suis arrivé dans la belle salle du Mémorial Act avec beaucoup d’a priori, en dépit de ce qu’avaient pu me dire plusieurs amis.

Quand la lumière a progressivement éclairé la scène et que j’ai vu cette petite vieille toute ratatinée assise devant sa tisanière, avec cette lettre en main qu’elle venait de recevoir de Martinique de son neveu Frédéric ,je me suis dit qu’elle ne correspondait absolument pas à l’idée que je me faisais, moi,  de « The Queene », la Reine, chef de gang de Harlem, qui avait mâté pratiquement tous les chefs de la Mafia irlandaise, juive, napolitaine, corse, etc… et même émasculé l’un d’entre eux !  Une fois de plus Isabelle Kancel, avec sa démarche à petits pas, les fesses rentrées,  partait, pour moi, avec un handicap, elle manquait dès le départ de prestance. 

Mais très vite  j’ai changé d’avis et cela déjà avant que Stéphanie à 26 ans en 1912 ne quitte la Martinique.  Dès qu’elle commence à apostropher son futur amant coiffeur, le personnage est métamorphosé. La petite vieille change complètement, la comédienne  a soudain le port, et la voix d’une jeune Martiniquaise déterminée, décidée à quitter son ile à tout prix pour aller à la rencontre de son destin. Le spectateur écarquille les yeux, ce n’est plus la même personne ! On se prend au jeu, elle décroche son manteau au col de fourrure et on ne la quitte plus, on la suit partout dans toute l’histoire de Stéphanie « Queeny », on est avec elle quand elle sort son rasoir, avec elle quand elle mime une scène d’hystérie qui fait fuir la police de New-York, on est avec elle  jusqu’à la fin. Au point qu’on ne se rend pas compte que le temps a passé depuis que l’actrice joue…. Je me suis senti presque frustré quand l’éclairage a progressivement diminué et que le public s’est levé pour applaudir à tout rompre.

J’étais moi aussi complètement retourné. Je me suis levé pour applaudir également, chose que je fais rarement.

Il va de soi que ce résultat n’est pas seulement dû au talent de la comédienne. Isabelle Kancel ; On devine tout le travail fait en amont. C’est toute l’équipe qu’il faut ici féliciter.

L’auteur Raphaël Confiant m’a avoué qu’il n’avait toujours pas eu l’occasion de voir son roman sur scène, car la pièce n’a toujours pas été présentée en Martinique. Mais parions que cela ne tardera pas.​​​​​​​